Olga Caldas … et le corps se délie
L’émotion se prolonge loin dans le corps devant les photographies d’Olga Caldas. Et le corps se délie, c’est dans une histoire que nous entrons, où une parole silencieuse nous invite à la suivre. Il nous est fait signe d’approcher.
Ici, la lumière rêve, Olga est toute entière embusquée dans le miroir, sans indécence elle regarde, avec son espoir audacieux, la lumière sait qu’elle est là.
Et puis, sans en contredire la première féerie, la femme mise en lumière apparaît dans la violence d’un ficelage, devant une assemblée en peluche.
De la fillette ne sont réunis plus que les témoins : qui a ficelé la femme ?
On approche, on la voit de plus près : puissance de la femme, même ficelée elle irradie le mouvement.
Jusqu’aux confins floconneux de la sensualité, jusqu’à s’en vêtir. Nous sommes entrés dans un secret, dans le derme d’un secret. Quelque chose avec force se raconte, cherche le regard où dérouler l’obstinée invention de son langage.
Où s’en ouvrir. L’émotion prolongée rejoint en nous-mêmes une écoute, le lieu d’une acuité vient à son tour de s’ouvrir. Olga s’ouvre dans ce qu’elle a ouvert en nous. Nous sommes le futur de ses explorations, la chambre manquante dans le dédale changeant des chairs. Elle le sait.
Un autre t’ouvrira à ton corps. Sur la voile de ton embarcation Solitude est un mot caché ; Olga, dans son amusement à déclencher à distance l’appareil photo, dans la joie complice qu’elle se découvre avec elle-même, l’a bien caché. Elle y va, pénètre plus avant cette solitude, jusqu’aux traces laissées en elle-même par le saisissement de la présence de l’autre. Prendre la main de tes traces.
Le souffle coupé devant la beauté, Olga en transmute l’apogée en les cercles infinis du masculin-féminin. Elle sait aussi laisser les chevaux hennir, tournoyer les étoiles du corps - explosée. Et retourner aux géométries comme tentative d’une digue, endiguer l’imprévisible quand il prend pour nom la volupté.
La fissure n’est jamais loin, comme un délicat rappel que tout provient d’elle. D’entre les lézardes, la grâce masquée dans la fleur qui dévoile cet équilibre ardemment recherché entre la pudeur impérieuse du beau et l’irrésistible éclosion du corps, entre le jaillissement et le repli.
Si l’équilibre n’est pas tenable, sous le tulle l’exaltation sauvage fait grâce de sa violence, et nous laisse libres de la deviner. S’ensuit, dans la violence du mouvement, la tendresse. Tout finit par se voir, j’aurai traversé le tunnel ajouré du désir, pour au-delà des déchirures trouver ton corps. Et dans l’écho dentelé du feuillage, trouver mon corps.
Dans la jungle des villes, le regard nu plonge jusque dans la caillasse, les pierres, les ronces – et le corps se délie.
Sarah Jalabert, écrivaine - avril 2019
Sarah Jalabert est écrivaine et poétesse.
Elle a publié entre autres : Le corps de frontière (extrait d’un roman à paraître), dans la revue littéraire Apulée dirigée par Hubert Haddad (2019) ; Rue de l’Anturie (poésie), revue Supérieur Inconnu co-dirigée par Dominique Rey et Sarane Alexandrian. Aux éditons de l’Âge d’Homme : Toujours autre, (nouvelles, 2001) ; Des Tombereaux de Désir,(roman, 2007) ; Celui qui ouvre (roman, 2012) ; aux éditions en ligne 15k.fr deux nouvelles : Héloïse (2017) ; Thérèse ou la Nuit de l’Ossuaire (2019).
Sarah Jalabert, écrivaine et poétesse
Photo : Olga Caldas, 2018